Jeudi 4 Avril 2019
Les « Enfers » ou Jigoku de Beppu sont un des points d’orgue de mon voyage de cette année 2019. En effet, j’avais connaissance depuis longtemps de ces sources thermales d’origine volcanique qui sont spectaculaires par leurs couleurs et leurs consistances et qui montent à des températures proches de 100 degrés provoquant des jets et des colonnes de vapeur.
Pas la peine donc d’imaginer s’y baigner, ce n’est pas du tout le but de la visite. Par contre, c’est un spectacle naturel qu’on a pas l’occasion de voir souvent, aussi, pour ma première virée sur l’île de Kyushu, j’étais impatiente d’y aller.
Arrivée la veille à Beppu, je ne suis pas du tout dans le rush pour la tournée des huit Enfers. La visite s’appelle le « Jigoku Meguri (Hell Tour) » et j’avais vu auparavant qu’il fallait une bonne partie de la journée pour le faire tranquillement avant la fermeture à 17h.
Munie de mon pass bus à 900 yens et du souchier des 7 entrées à 2000 yens que j’ai acheté la veille à l’office de tourisme de la gare, je déchiffre les horaires de bus afin de me caler sur le parcours le plus simple que la dame de l’office m’a tracé sur une carte.
Bon, en résumé, il y a 7 enfers à visiter et non pas huit, la dame de l’office de tourisme m’ayant barré l’enfer « Yama Jigoku », je ne sais pas pourquoi.
Il n’est peut-être plus en état ou moins intéressant mais il en reste quand même suffisamment pour s’en mettre plein les yeux.
Ils sont regroupés en deux lieux distants de 3 km reliés par le bus n°16.
Je commence par le premier spot qui compte 5 Enfers et qui se trouve à 6 km de la gare de Beppu. Il y a trois bus pour y accéder : n°5, n°7, n°41.
Même s’il n’y a pas le feu au lac (mais ici, va savoir ?) l’idée est quand même d’éviter la foule de touristes. Aussi je monte dans le bus de 8h47 qui a été vite rempli. Vingt minutes plus tard je descends pour mon premier Enfer à l’arrêt Umi Jigoku Mae (Blue hell).
En descendant du bus juste en face et de l’autre côté de la route, il y a deux gros panneaux bleus indiquant les deux premiers Enfers . Je commence celui le plus à l’ouest, à gauche du parking, pour enchaîner les visites en me rapprochant du second bus.
Et cela tombe bien car c’est mon Enfer préféré avec ses bassins d’une eau épaisse, laiteuse qui ressemble à du plâtre et qui fait des bullasses qui font de gros blop blop.
Le Oniishi Bozu Jigoku, de son petit nom qui veut dire l’enfer tête de moine, est désert quand j’arrive. La personne à l’accueil retire le billet correspondant de mon carnet des entrées et me remet un petit guide et un plan général. Au dos du plan se trouve 7 emplacements écrits en japonais où tamponner à chaque enfer avec le tampon encreur mis à disposition. J’adore ce rituel du tampon encreur qui est très courant ici au Japon. Il y en a à peu près partout à chaque endroit touristique et aussi dans chaque gare. C’est un petit jeu que j’aime bien, un peu comme une chasse au trésor. Je me suis équipée d’un chouette carnet dédié et je passe mon temps à les collectionner. Je ferai une galerie de tous les tampons sur ce blog un jour.
Le Oniishi Bozu Jigoku tient son nom au fait que les grosses bulles qui émergent de temps à autre de la surface font comme des demi-sphères bien rondes et bien lisses et qui ressembleraient donc aux sommets des têtes rasées des moines.
Dès que l’on passe l’entrée il y a déjà un tout petit bassin entouré de barrières tout le tour afin de protéger les curieux qui se pencheraient d’un peu trop près. L’eau ressemble plus à une boue gris clair, très concentrée en sel et qui par endroit se gonfle en une belle bulle parfaite qui finit par éclater poussivement en créant des cercles concentriques au fur et à mesure que chaque bulle éclate.
Ça sent fort le souffre et le plâtre mais c’est impressionnant a voir.
C’est tellement fascinant que je reste scotchée un bon moment. Il y a trois bassins en tout et celui du fond est le plus grand. Chacun est entouré de grosses pierres.
Le chemin entre chaque point d’intérêt est dallé. Il y a une petite rivière d’une eau rouge qui dévale depuis le fond sur la droite et dont le lit est teinté, à force, de couleur rouille.
Il y a aussi un espace circulaire, le bain de pieds où chacun peut s’asseoir sur les bancs de bois pour tremper ses pieds dans une eau limpide et bouillante. Je l’ai expérimenté et oui, l’eau est très chaude. le fond du bassin peu profond est dallée.
Cet endroit qui ressemble à un petit jardin est vraiment bien aménagé de pleins de détails, petit pont sur la rivière, des petits passages pour évoluer entre les trois bassins bouillants. Et bien sûr il y a des cerisiers en fleur !
Je pars vers le suivant juste à côté du premier qui s’appelle Umi Jigoku, l’enfer de la mer. A la fin de cet article, on aura appris au moins un mot de japonais : Jigoku. Ça peut toujours servir !
Il y a un peu plus de monde dans celui là alors que le premier ne comptait qu’une dizaine de personnes mais ce n’est pas la foule non plus. Au fond du grand parc occupé en grande partie par un étang, des fumées de vapeur s’élèvent au dessus d’un grand bassin.
La composition des lieux est soignée à la manière d’un jardin japonais. C’est un vrai tableau que l’on contemple depuis l’entrée. Il y a un grand étang sur lequel flottent de larges feuilles de nénuphar et dans le fond, derrière l’étang, trois torii rouges se trouvent sur la droite du grand bassin bouillant. Je me rapproche du bassin et au travers des fumées de vapeur je vois l’eau d’un beau bleu azur intense.
C’est la couleur que l’on connait des mers des Caraïbes et c’est captivant. On peut avoir un beau point de vue de l’ensemble en haut d’un escalier. De temps en temps, le visage est baigné par le nuage de vapeur qui tournoie sans que l’on puisse deviner vers où il va se diriger. Petite brumisation gratuite, c’est rigolo.
La température de l’eau est de 98 °C. L’attraction locale est de s’en servir pour faire de la cuisine et cuire des œufs ou même concocter une sorte de flan au œufs.
La plaquette touristique indique qu’on peut trouver ici un petit magasin de souvenirs, un temple Inari, une galerie-musée, une serre de nénuphars de différentes variétés, un bassin d’eau bouillante rouge, un restaurant et des bains de pieds sous abri. De quoi y passer du temps !
Sans rejoindre la grande route par laquelle on est venu en bus, on progresse vers l’est en passant devant le Yama Jigoku (huitième Enfer dont je n’ai pas l’entrée dans mon carnet) qui semble être un petit zoo et au bout de 300 mètres on arrive au troisième Enfer : le Kamado Jigoku
Kamado veut dire chaudron, fourneau, c’est explicite ! L’origine du nom vient de la coutume de cuisiner des présents de nourriture offerts au dieu gardien à partir des dégagements de vapeur du onsen qui atteint les 90°C à l’occasion du festival du temple Kamado Hachimangu.
Le dieu-gardien est représenté par une grande sculpture située au départ de la visite qui donne le ton sur les bassins d’eau fumante qui suivent.
Il y a trois bassins différents les uns des autres. L’eau du premier est jaunâtre et épaisse très chargée en sels (?) qui s’accumulent sur le pourtour des bulles qui éclatent.
Juste à côté, on peut se détendre avec un bain de pieds ou manger des œufs cuits à la vapeur.
Le bassin suivant est assez grand et contient une étendue d’eau bleu laiteuse entourée de barrières rouges. C’est sublime à voir. La surface est lisse et immobile avec des nuages de vapeur par ci par là. La présence d’un petit rocher en plein milieu auquel est accroché une corde à la mode des rochers apporte de la beauté au calme du bassin.
À chaque fois cela sent le souffre et le plâtre.
Le dernier bassin est tout petit, rempli d’une eau orangée fumante comme il se doit.
Une petite attraction des lieux est effectuée par un guide qui souffle des cendres de sa cigarette allumée pour le show sur la surface de l’eau.
Cela faisait comme de l’eau brumisée sur de l’huile bouillante. Plein de micro nuages de vapeur à la surface.
Étonnant à voir, le public qui le suit pousse des « hoooo » et des « haaaa ». Moi aussi d’ailleurs mais intérieurement évidemment.
Juste en face du Kamado Jigoku se trouve l’enfer suivant, le Oniyama Jigoku (« montagne du démon »).
En effet on est accueilli une fois passée l’entrée par la statue du démon assis sur une pierre. On ne sait pas trop s’il sourit ou s’il grimace.
Les pancartes sur la route affichaient « Crocodile Park » et c’est donc sans surprise que l’on va trouver des bassins de crocodiles. Plutôt surprenant de tomber là-dessus mais il semble que les crocodiles et alligators se plaisent dans ces eaux chaudes. Il y en a un bon paquet …
Sur place se trouve aussi un genre de musée du lieu avec des crocodiles évidemment.
Les bassins sont bien protégés par de hautes grilles heureusement. Il y a aussi un bassin pour les bébés crocodiles. Mais je ne suis pas hyper fan de ces bestioles qui te regardent bizarrement sans bouger et ce n’est pas ce qui m’intéresse le plus dans ma balade aussi, je vais sans tarder à l’Enfer suivant. Même si je ne suis pas pressée car il n’est que midi et j’ai du temps devant moi.
J’arrive au dernier Enfer du coin, le cinquième en descendant sur quelques mètres une belle allée dallée. Cela fait déjà trois heures que je visite en prenant bien mon temps à chaque fois.
A mi-chemin de la ruelle se trouve l’entrée du Shiraike Jigoku (« enfer des étangs blancs »).
Il faut savoir que c’est ici car il n’y a que des indications en japonais.
Il est aménagé à la façon d’un beau jardin japonais avec un grand bassin d’une belle eau calme et d’un blanc bleuté et laiteux, entouré également d’une barrière rouge.
Il n’y a pas grand monde ici non plus et pour l’instant les visites sont très agréables en laissant le temps de profiter des lieux.
A droite de l’entrée, le chemin de la visite fait passer par plusieurs aquariums un peu vieillots où baignent des poissons exotiques et particulièrement des piranhas. Assez anecdotique.
Je change de lieu pour rejoindre les deux derniers enfers situés à 3 km. On m’avait indiqué de prendre le bus n°16 à la station de bus Kannawa bus center. Pour la trouver, il faut descendre la belle allée dallée en sortant du Shiraike Jigoku et prendre à gauche sur la route. La station de bus est à 100 mètres seulement.
Sur la route, je regrette un peu d’avoir pris le bus car il y a un ou deux superbes points de vue en hauteur sur les nombreuses colonnes de vapeur sur la ville. Si j’avais su …
La route redescend de la colline en se rapprochant de la côte et le bus nous dépose devant le 6ème enfer, le Chinoike Jigoku (« enfer de sang ») qui tient son nom de la couleur rouge des argiles du bassin.
C’est LE lieu qui m’a fait rêver depuis que je l’ai vu sur les photos d’un ami.
Je suis un peu déçue car je pensais que l’eau serait plus dense, plus rouge et intense. Mais elle est seulement orange clair au lieu d’un rouge profond. Finalement il ressemble à ceux que j’ai vu auparavant mais en bien plus grand quand même. Peut-être que la couleur dépend de certaines conditions qui ne sont réunies aujourd’hui.
En tout cas, ce qui est bien, c’est qu’il n’y a pas grand monde. Encore ici aussi, un espace couvert pour le bain de pieds.
Il me reste le dernier enfer le Tatsumaki Jigoku (« enfer tornade ») à 50 mètres plus bas sur la route.
Il consiste juste en un jet d’eau bouillante enclavé dans une alcôve rocheuse. On nous explique qu’elle vient de 50 mètres plus bas dans le sol d’une eau chaude souterraine de 150 °C et qu’elle a puissance suffisante pour s’élever à 30 mètres de haut.
Il y a beaucoup de monde rassemblé dans un espace tout petit aménagé comme un petit théâtre avec plusieurs bancs faisant face au geyser.
Quand tout le monde se lève les gens squattent les trois mètres devant le geyser bouchant la vue sans possibilité de prendre beaucoup de photos de loin.
Donc le temps de réussir à prendre la mienne et je me décide vite à prendre le bus qui va arriver au lieu d’attendre dans un endroit un peu paumé il faut l’avouer.
Le truc c’est qu’une fois sorti on ne peut pas re-rentrer.
Le bus n° 16 qui passe toutes les demi-heures rejoint la gare de Beppu en longeant la côte et j’en profite pour repérer les lieux aux environs du port d’où je prendrai le ferry demain pour rejoindre l’île de Shikoku.
J’arrive donc à 14 heures à l’hôtel. Il est encore tôt mais je n’ai pas le temps de faire d’autres activités touristiques éloignées du centre ville comme Oita, le téléphérique de Beppu, les bains de sable. Et puis j’ai envie de souffler un peu et même de tester le onsen en plein air proposé par l’hôtel.
C’est le moment d’en profiter. Entièrement déshabillée sous mon yukata, tous mes vêtements partis à la machine à laver, je descends au deuxième étage.
Il n’y a qu’une personne, une mamie dans le bain extérieur qui finalement ressort dès que j’arrive. Après m’être bien lavée aux mini douches à l’entrée, je me glisse vite fait car il ne fait pas chaud dehors dans le bain rectangulaire fait de pierre anguleuse. L’eau est évidemment très chaude mais pas autant qu’à Arima Onsen donc je rentre facilement. C’est une eau bonne pour l’arthrose donc je compte là dessus pour qu’elle fasse le job.
Bon, maintenant que j’y suis il n’y a pas grand chose à faire dans ce bassin et la vue est bouchée par des palissades. On est en ville tout de même. En me rinçant aux douchettes, la mamie encore en train de se laver m’adresse la parole en japonais. C’est toujours marrant de voir que les gens pensent que je comprends mais là encore, je la déçois un peu en m’excusant de ne rien comprendre.
Je finis ma journée tranquillement en me baladant sur la côte et en me renseignant sur le bus que je dois prendre pour aller au port demain. Ne jamais oublier que la circulation sur route se fait à gauche alors il faut aussi que je localise le bon arrêt de bus.
Au fait, comment dit-on « enfer » en japonais ?